Journée Mondiale de l’Eau 2025 : Préserver les glaciers pour protéger nos ressources en eau souterraine, 22 mars 2025

Mr Mohamedou OULD BABA SY
Director of the Water Department
PhD in Hydrogeology,
Sahara and Sahel Observatory
La gestion durable de l’eau est au cœur des priorités mondiales. Garantir un accès universel à l’eau potable et à l’assainissement d’ici 2030 constitue un engagement majeur de la communauté internationale. Pourtant, cet objectif est mis à rude épreuve par la pression croissante exercée par le changement climatique, l’urbanisation accélérée et la surexploitation des aquifères. Dans de nombreuses régions arides et semi-arides, ces pressions menacent la sécurité hydrique de millions de personnes, fragilisant leurs conditions de vie et leur développement socio-économique.
La fonte accélérée des glaciers, qui représentent l’un des principaux réservoirs d’eau douce de la planète, accentue cette crise en bouleversant le cycle hydrologique. Ce phénomène réduit considérablement les apports en eau souterraine et compromet le renouvellement naturel des aquifères, qui assurent l’alimentation en eau des populations, l’agriculture et la préservation des écosystèmes. L’urgence est donc réelle : il devient impératif d’adopter des mesures concertées et innovantes pour protéger ces réservoirs naturels et garantir un accès durable à l’eau pour les générations actuelles et futures.
L’Afrique dispose d’aquifères stratégiques, qui sont aujourd’hui exposés à des menaces croissantes mettant en péril leur durabilité. Les aquifères côtiers transfrontaliers, en particulier, sont soumis à des pressions accrues dues à la surexploitation, à la baisse des niveaux piézométriques et à l’intrusion saline. Ces phénomènes, aggravés par l’élévation du niveau de la mer liée au changement climatique, compromettent la disponibilité des ressources vitales pour des millions de personnes et pour des écosystèmes déjà vulnérables.
Parmi ces aquifères, celui du Kéta, partagé par le Nigeria, le Bénin, le Togo et le Ghana, subit une salinisation progressive qui compromet l’approvisionnement en eau potable et les activités agricoles locales. De même, dans le bassin de la Djeffara tuniso-libyenne, la remontée des eaux salines, exacerbée par la pression démographique et l’exploitation excessive des nappes, dégrade la qualité de l’eau, affectant les populations et les secteurs économiques qui en dépendent. L’aquifère sénégalo-mauritanien, qui s’étend entre la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau, voit également son volume et sa qualité se détériorer, mettant en péril l’équilibre fragile des communautés qui en tirent leur subsistance.
L’intrusion saline dans ces aquifères réduit progressivement la disponibilité de l’eau douce, augmentant ainsi le risque de pénuries dans les zones côtières densément peuplées. Cette réalité exige une gestion rigoureuse et coordonnée de ces ressources transfrontalières afin d’en préserver la viabilité. La disparition progressive des glaciers africains constitue une menace supplémentaire pour la disponibilité en eau douce. Le Mont Kilimandjaro, surnommé le "château d’eau" de l’Afrique de l’Est, voit ses glaciers reculer à un rythme inquiétant. Selon les projections scientifiques, ils pourraient disparaître complètement d’ici 2040, compromettant gravement l’approvisionnement en eau des populations du Kenya et de la Tanzanie. Ces rivières glaciaires, essentielles à l’agriculture, à l’hydroélectricité et à la préservation des écosystèmes, jouent également un rôle clé dans la recharge des aquifères, en maintenant les niveaux d’eau souterraine indispensables à la résilience des écosystèmes et à l’alimentation des populations locales. Leur disparition entraînerait un déséquilibre majeur, réduisant la capacité des aquifères à se renouveler naturellement et accentuant le stress hydrique dans toute la région.
Face à ces défis, l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) accompagne les pays africains à travers des initiatives concrètes visant à renforcer la résilience des aquifères et à promouvoir une gestion durable des ressources en eau. Grâce à des projets structurants, l’OSS soutient les États dans le développement de solutions adaptées aux réalités locales, en intégrant les défis climatiques et les enjeux de gouvernance transfrontalière.
Dans cette optique, parmi les projets en cours, le projet NB-ITTAS, dédié au bassin du fleuve Niger (NB) et au Système Aquifère d’Iullemeden-Taoudéni/Tanezrouft (ITTAS), permet d’améliorer la gestion partagée de ces ressources essentielles en mettant à disposition des outils de suivi et de modélisation avancés. Le projet SMAS, centré sur le Système Aquifère Sénégalo-Mauritanien (SMAS), renforce la coopération entre la Gambie, la Guinée-Bissau, la Mauritanie et le Sénégal pour assurer une exploitation équilibrée et durable de l’eau souterraine. Dans le bassin du Mono, le projet IREE-Mono contribue à la gestion intégrée des ressources en eau et à la prévention des risques liés aux inondations et aux sécheresses, en appuyant les autorités locales dans la mise en œuvre de solutions innovantes et adaptées.
Par ailleurs, l’OSS facilite l’accès aux financements climatiques afin d’appuyer les pays africains dans la mise en œuvre de leurs stratégies d’adaptation. L’institution accompagne également les acteurs locaux dans le renforcement de leurs capacités pour une gestion plus efficace et concertée des ressources en eau. À travers ses interventions, l’OSS œuvre à la préservation des aquifères tout en favorisant le partage des connaissances et l’innovation au service de la sécurité hydrique du continent.
À l’occasion de la Journée Mondiale de l’Eau 2025, placée cette année sous le thème « La préservation des glaciers », il est plus que jamais temps d’agir pour préserver les glaciers et protéger nos aquifères. L’eau est au cœur des grands équilibres environnementaux, économiques et sociaux, et sa gestion durable conditionne l’avenir du continent africain. L’OSS réaffirme son engagement aux côtés des États africains et de ses partenaires internationaux pour bâtir un avenir où l’eau demeure un bien commun préservé et accessible à tous.
Préserver les glaciers, c’est protéger les ressources en eau souterraine et garantir un avenir durable pour nos générations futures. Agissons dès aujourd’hui pour une gestion responsable et durable de l’eau.
